RDC : du cuivre, des chinois et des rwandais...

Un autre "papier" tout chaud...

En République démocratique du Congo (l'ex Zaïre) la situation est un peu moins "drôle" que chez le voisin tchadien, si tant est que l'on puisse parler de "drôlerie" puisque, entre remaniement ministériel à venir en mars (sauf qu'il n'y a nul besoin pour ce faire d'élections comme en France) et bruit de bottes, ça sent à nouveau le soufre.
Une observatrice présente à Kinshasa depuis 12 ans affirme que l'atmosphère rappelle un peu les dernières heures de Kabila père.

La faute aux Chinois entre autres disent certains...ah les méchants !
Il faut avouer qu'ils viennent de réussir le hold-up de la décennie, je ne préfère pas dire du siècle parce que des coups fumeux il y en aura d'autres et pas que des Chinois.
Au nom de l'Etat congolais, la Gécamines va être l'objet du plus gros troc jamais réalisé dans le pays.

La Chine s'est en effet engagée à :
> Réaliser 3.000 kilomètres de routes,
> Construire 145 hôpitaux,
> Remettre à niveau les voies ferrées entre le Katanga et la côte Atlantique,
A> ménager une liaison routière et ferroviaire vers la Zambie
> Et la liste n'est pas exhaustive…

En contrepartie la Chine se verra livrer 10 millions de tonnes de cuivre!!
Je vous laisse chercher le cours actuel du cuivre (en France certains malins vont même jusqu'à vandaliser les installations SNCF pour en récupérer tant cette activité illicite est rentable) et imaginer la culbute pour Pékin.

En Zambie, le matériel de génie civil chinois est déjà arrivé...les expropriations ont déjà commencé et elles ne touchent pas que les locaux !

La Chine est en train de vider Kolwezi (Kolwezi... le 19 mai de cette année celà fera 30 ans que le Colonel Erulin et les paras du 2e REP s'y illustrèrent dans le cadre de l'opération "Bonite", s'ils avaient su qu'un jour les chinois y règneraient en maître...) de ses concurrents étrangers, entendre belges, français et américains.

Avec l'immigration clandestine, il y a actuellement plus de Chinois au Katanga que de Belges et d’Américains réunis. Les Français eux ne comptent même plus dans l’économie de la ville.

Sauf que les Africains commencent à s'agacer des Chinois plus vite qu'ils ne l'ont fait des Occidentaux.
Le Congo découvre, ou va découvrir, ce que l’Angola, le Soudan ou le Gabon ont connu ces dernières années.
Le Chinois n'embauche pas local, ne mange pas local, ne se nourrit pas local et ne vit pas au milieu des locaux.
Résultat : le prix de l'immobilier explose, la terre se fait rare, le commerce local est laminé par des biens "made in China" qui, malgré la distance pour rejoindre un Katanga enclavé, restent moins chers que les produits locaux.
Pour ce qui est des transferts de technologie et de la formation des élites locales au sein des entreprises chinoises, là ça ne sera pas différent non plus de ce qui se passait avec les Belges ou les Américains c’est-à-dire pas grand-chose.

Le gouvernement congolais pourrait se féliciter de ses perspectives d'entrée d'argent frais mais la fête est gâchée par d'autres préoccupations.

Joseph Kabila est apparemment en pleine paranoïa et certains faits ne l'encouragent pas à voir la vie en rose.

> Le cauchemar sécuritaire dans l'est de la RDC d'abord.
Laurent Nkunda, rwandais ou congolais on ne sait jamais, est une épine dans le pied de Kabila.
La déculottée qu'il a infligée aux troupes congolaises en décembre est une insulte pour Kabila qui à l'époque avait fanfaronné en envoyant au Nord Kivu 20.000 hommes fraîchement formés et équipés par les Belges sur la base de Kamina.
Après une semaine de recul, les hommes de Nkunda avaient balayé les FARDC en 2 jours, tuant un général et quelques centaines de gouvernementaux et mettant la main sur une partie des équipements neufs achetés par Kabila pour cette offensive.

Et comme si l'inorganisation de son armée ne suffisait pas, Kabila avait du essuyer un non catégorique des Casques Bleus indiens présents à Goma pour l'emploi de leurs hélicoptères dans la bataille.

2e humiliation dans la foulée avec la conférence de Goma organisée entre les belligérants puisque Nkunda a posé des conditions dont les principales ont été acceptées (merci le soutien de Kigali que Washington a eu du mal cette fois-ci à empêcher de déchaîner l'enfer).
En vrac :
- remplacement du premier ministre par "un homme de l'Est"...le vieux Gizenga lutte actuellement pour sauver sa place que d'aucuns disent promise à Azarias Ruberwa, un congolo-rwandais mais là encore on sait pas trop
- la réintégration de ses hommes dans l'armée nationale (sic) tout en bénéficiant d'un statut permettant leur déploiement uniquement au sein de la seule 8e région militaire (Nord Kivu)...bref chez eux!
- partage du pouvoir dans la province avec l'attribution de postes aux fidèles de Nkunda même si les élections législatives, provinciales et communales ont déjà désigné les représentants de l'Etat dans la région.

En langage peu diplomatique, ça s'appellerait une abdication!

> Le pauvre Joseph n'a pas fini de boire le calice.

En dehors de la GSSP (garde présidentielle), le "brassage" des anciens combattants des mouvements rebelles en une armée nationale est un échec.
Le problème est qu'il n'est plus visible seulement au Kivu mais aussi à Kinshasa.
En janvier, 2 incidents sérieux dans les casernes de Kinshasa :
- un détachement de la GSSP retenu pendant quelques heures en otage par d'autres militaires sur l'aéroport de N'Dolo...motif : pourquoi les soldes de la GSSP sont-elles supérieures à celle de l'armée régulière.

- sur le camp Tshatshi, fusillade au sein de la caserne...motif : altercation entre les "Katangais" de Kabila (qui en fait est du Kivu) et des "brassés" autrefois membres de la milice de Bemba.
Si en France une bagarre à la popote se règle à coups de poing avant de retourner prendre un verre, à Kinshasa ça passe par l'armurerie et on peut douter qu'ils aient repris un verre ensemble depuis.

Ses anciens alliés le lâchent ou ne lui portent plus la même attention, ce qui semblerait expliquer en partie son absence des derniers grands rendez-vous (sommet France-Afrique, réunion de l’Unio Africaine)

L'UE et les USA vient de lui signifier que l'exil de son adversaire à la présidentielle devait prendre fin.
JP Bemba, actuellement au Portugal, prépare donc son retour pour ce printemps.
Le retour d'un homme qui a commencé sa carrière dans les camions de l'armée ougandaise en 1998 à Kisangani et dont le mouvement (aujourd'hui parti politique) compte des membres recherchés par la CPI de La Haye ne rassure pas pour l'avenir du Congo.

Léon Kengo Wa Dondo, président du Sénat et déjà là à l'époque de Mobutu, a effectué 3 voyages à Bruxelles depuis le début de l'année 2008.
Le 2e personnage de l'Etat ne cache pas qu'il ne souhaite pas des Chinois au Congo...de là à rassembler les "pro-occidentaux" autour de sa personne prochainement, il y a un pas que...

Partout ailleurs, une rumeur s'apparenterait à un fantasme, de ces fantasmes démentis par les innombrables visites de partenaires étrangers, les multiples contacts amicaux entre Bruxelles et Kinshasa, Washington et Kinshasa.

Au Congo et dans les Grands Lacs, cependant, l'expérience montre que le brouillard peut précéder souvent des faits réels ou rendre possible le passage à l'acte.
Or les temps sont effectivement cruciaux.
A l'heure où ce pays-continent s'apprête à partager ses richesses stratégiques avec de nouveaux partenaires chinois
A l'heure où le renforcement de l'autorité de l'Etat (avec une mise en oeuvre plus ou moins réussie selon les provinces) sur l'ensemble du territoire va inévitablement priver d'importantes ressources des opérateurs économiques qui opèrent depuis les pays voisins (Rwanda, Ouganda, Angola, Zimbabwe...ceux qui se sont au niveau continental partagés le gâteau en 1998).

Deux officiers supérieurs rwandais, actuellement réfugiés politiques en Suisse, qui ont quitté l’armée de Paul Kagame en 2003 ont rapporté à l’Américaine Alison des Forges de HRW des chiffres qui donnent une vague idée (et le tournis !) quant au pillage auquel se sont livrés les armées étrangères présentes au Congo de 1996 à 2003.
Affectés au « bureau Congo » de l’ancienne Armée Patriotique Rwandaise (aujourd’hui Forces Rwandaises de Défense), ils ont pris part à la planification de l’invasion et à la gestion de la logistique pour les territoires officiellement contrôlés alors par le mouvement du RCD.
Les richesses de la seule province du Nord Kivu rapportaient tous les mois à l’armée rwandaise, sur sa comptabilité occulte, la somme de 20 millions de dollars.
Au plus fort de la guerre, le RCD contrôlait près du tiers d’un pays dont le sous-sol est appelé pudiquement « un scandale géologique » et qui est le bassin de la seconde plus grande zone forestière équatoriale de la planète après celle de l’Amazonie.
Sauf les comptables des armées ougandaises et rwandaises, nul ne saurait évaluer aujourd’hui avec précision le montant du pillage du Congo.

Comment imaginer que ces acteurs qui se contentait de rétribuer au passage des groupes armés garants de leurs intérêts vont accepter de voir disparaître une manne qui, si elle n'apparaît jamais dans leur comptabilité, leur est devenue aujourd'hui indispensable ?

Et dire qu'en 2003, avec l'opération "Artémis", la France et l'Europe croyaient avoir "régler le problème" du "chaudron zaïrois"...