Bien vu Mortimer
Le Tigre dormait sous la route
Un char allemand découvert à Fontenay-Saint-Père
Le Courrier de Mantes
Publié le: 18 janvier 2001
— La moitié de la tourelle a déjà été reconstituée. Le jeune homme qui se trouve au poste du chef de char donne une idée de la taille impressionnante de l’engin.
Un char Tigre a été repéré, enfoui sous une route de Fontenay-Saint-Père. Bruno Renoult, qui travaille depuis des années sur les combats de la Deuxième Guerre mondiale dans le Mantois, a débuté des fouilles avec quelques autres passionnés. Ils ont découvert sous terre des morceaux impressionnant de ce char. Ils espèrent maintenant obtenir le soutien du département pour dégager les restes, prisonniers sous la route.
Bruno Renoult, historien et auteur du livre “La tête de pont de Mantes - La bataille du Vexin”, est sur la piste des Tigres depuis plusieurs années maintenant. Ces Tigres sont les chars allemands qui ont participé, en août 1944, à la contre-attaque allemande après l’arrivée des Alliés à Mantes. Ce livre est le fruit de plusieurs années de travail, passées à discuter avec ceux qui ont vécu les combats. Il a ainsi collecté des centaines de photographies de l’époque et des mois qui ont suivi la Libération. Pourtant, malgré ce travail minutieux, quelque chose lui avait échappé. Quand son ouvrage est paru, des anciens l’ont contacté pour lui apprendre une nouvelle de taille. L’un d’eux se souvenait très bien d’un char Tigre renversé sur le bord d’une route. Il affirmait alors qu’il avait servi à combler un trou sur lequel passe aujourd’hui une route.
“Je n’y croyais pas, avoue Bruno Renoult, pour moi, il y avait certainement de la ferraille enterrée là, mais certainement pas un char complet. Après la guerre, les engins étaient ferraillés”. Dans ses documents, il retrouve la photo du char en question, renversé sur le flanc, avec un numéro peint sur le côté de la tourelle : le n°123.
Bruno Renoult n’y croit toujours pas. Mais il contacte quand même un de ses amis de l’école de la détection. Armé d’un équipement permettant de détecter les métaux à grande profondeur, François Le Pelletier retire son casque soudain et lui annonce : “il y a quelque chose d’énorme là-dessous”.
Après avoir obtenu l’autorisation du maire de la commune et de la DDE pour sonder le site, Bruno Renoult, aidé par un agriculteur qui a fourni une pelleteuse, a commencé à creuser. Sous un à deux mètres de terre, il découvre les premiers morceaux de tôles puis des pièces de plusieurs centaines de kilos. Ils retirent de la boue la moitié de la tourelle du char. Bruno Renoult aperçoit alors un bout d’une chenille qui semble se prolonger sous la route. Mais la poursuite des fouilles est stoppée pour des raisons de sécurité et la DDE ordonne de reboucher le trou. “Nous avons atteint les limites possibles de l’excavation. Il faudra maintenant d’autres moyens et certainement ouvrir la route pour sortir le reste du char” explique Bruno Renoult.
Tombé dans un cratère
La découverte est énorme, car si le char a été visiblement dynamité avant d’être enterré, il semble que l’on puisse le reconstituer. Il ne reste que quelques exemplaires dans le monde de ce char Tigre Royal, dont un est conservé en état de marche à Saumur. Selon l’historien, au moment des combats, le char est tombé et s’est renversé dans un cratère de bombe. Puis, il aurait été poussé à l’intérieur pour dégager le passage.
Déjà le découvreur de ce char et ses amis ont commencé à le reconstituer à partir des éléments découverts. Ils espèrent aujourd’hui que le département sera sensible à cette découverte et permettra de nouvelles fouilles.
Car l’ambition de Bruno Renoult est de se servir de ces vestiges pour la construction d’un mémorial à la mémoire de la centaine de soldats américains, tués dans cette partie du Vexin, lors des violents combats de la Libération. “J’ai imaginé un mur en pierre du Vexin sur lequel serait inscrit les noms des soldats morts ici, avec derrière le char reconstitué à moitié enterré dans une butte”, poursuit-il en montrant le croquis qu’il a déjà réalisé.
Mercredi, Bruno Renoult recevra, à l’hôtel du département à Versailles, le prix d’histoire locale pour son livre et ne manquera pas l’occasion de défendre son projet.