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 Le drame rwandais

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Jean-François BRILLANT
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MessageSujet: Le drame rwandais   Le drame rwandais EmptyMar 23 Oct - 20:31

Le 20 octobre 2007, j'ai eu la possibilité d'assister à un colloque, organisé par le club de réflexion "Démocraties", traitant du drame rwandais de 1993 et de l'intervention militaire de la France (Opération Turquoise) pour mettre fin à cette tragédie.

Vous trouverez ci-après le texte des interventions :
1) du Colonel de Gendarmerie Michel ROBARDEY
2) du Général Jean-Claude LAFOURCADE qui fut le patron de l'opération Turquoise
3) du Colonel Jacques HOGARD qui commandait le groupement Sud de Turquoise.

Je vous livre le texte de ces interventions "brut de décoffrage".
Ils m'ont été transmis par les intervenants, et je les mets en ligne avec leur accord.


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Jean-François BRILLANT
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MessageSujet: Re: Le drame rwandais   Le drame rwandais EmptyMar 23 Oct - 20:32

Intervention du Colonel Michel ROBARDEY
Assistant technique "Police judiciaire"au Rwanda de septembre 1990 à septembre 1993
Le drame rwandais 2007.293%20(9).SD

Rwanda 1990-94 : La Stratégie du désastre

Pour ceux qui ont, ne serait-ce qu’un peu, connu le Rwanda avant 1990, la question de savoir qui était au courant que la situation créée par la « Guerre d’octobre » présentait un risque très important de génocide n’a aucun sens. Elle est même d’une rare hypocrisie car, en fait, nul ne peut prétendre l’avoir ignoré.

1°) Un désastre prévisible et attendu dès 1990

En effet, dès le 15 octobre 1990, l’Ambassadeur de France à Kigali n’hésite pas à envisager, dans un télégramme diplomatique, la perpétration d’un «génocide » comme une éventualité à craindre (cf. Enquête parlementaire française de 1998. annexes). Pourtant, il faudra attendre juillet 1994 et plusieurs centaines de milliers de morts pour que ce vocable soit accepté par l’ONU !

Encore plus précis, quelques jours plus tard, le 24 octobre 1990, trois semaines seulement après le début de la guerre d’octobre, le Colonel GALINIE, attaché de défense près l’Ambassade de France à Kigali rédige un télégramme diplomatique intitulé « Appréciation de la situation politique » dans lequel il relève le risque, en cas de victoire du FPR, de « …..selon toute vraisemblance, l’élimination à l’intérieur du pays des tutsis, 500 000 à 700 000 personnes, par les hutus 7 000 00 d’individus » (cf. Enquête parlementaire française de 1998. annexes).

Cette affirmation s’appuyait sur l’histoire récente du pays.

1.1 : Les précédents (prolégomènes) de la 1ère République :

Dans un discours prononcé en mars 1964, Grégoire Kayibanda invite la toute récente diaspora tutsi à rentrer au Rwanda, confirmant par la même occasion que, comme cela avait déjà été observé depuis la révolution sociale de 1959, toute attaque contre le Rwanda conduite par les « Inienzi » entraînait des représailles sur les tutsis de l’intérieur « ....en supposant que vous réussissiez l’impossible de prendre d’assaut la ville de Kigali, dit le président rwandais, expliquez-moi un peu comment vous vous imaginez le chaos qui résulterait de ce coup d’éclat ...... Je n’insiste pas, vous le devinez car sinon vous n’agiriez en séides et en désespérés. Vous le dîtes entre vous : ce serait la fin totale et précipitée de la race tutsi. ». (CF. Periès et SEVENAY dans « Une guerre noire » p. 138 ou DESOUTER dans « Le procès du FPR ») ).

Cette prise en otage des tutsis de l’intérieur pour empêcher les attaques des tutsis de l’extérieur prendra fin, sur le terrain, avec l’arrêt des incursions des « Inienzi » au cours de l’année 1967. Elle restera cependant dans les mémoires, en sommeil, sous la « Pax Habyarimana » de dix-sept années au cours desquelles, bien que l’accès aux fonctions politiques militaires et administratives leur soient à peu près interdites, les tutsi vivront en paix et prospéreront économiquement au Rwanda.

Malgré cette révolution «morale » de 74 qui voulait rompre avec la 1° république, malgré les négociations bien engagées en 1990 avec l’Ouganda afin de permettre le retour au pays des réfugiés rwandais, le régime Habyaramina se verra accusé en 1990 – de manière anticipée et préventive - par une nouvelle génération «d’Inienzi » de porter avec lui le spectre du génocide.

De fait, dès l’attaque du 1er octobre 1990, les vieux réflexes ont joué et quelques huit mille opposants présumés au régime sont arrêtés et regroupés au stade de Nyamirambo à Kigali.

Tout le monde craignait le pire alors et nul ne pouvait prétendre ne pas savoir que la commission d’un génocide était à nouveau devenu fort probable au Rwanda. Les agitations médiatiques récentes sur le thème : « On a ouvert les archives d’ici ou de là et Untel savait » n’ont aucun sens historique : ce n’est que de l’agitation et de la propagande !

1.2 : Le « deal » franco-rwandais vu par un Officier de terrain : démocratie contre aide militaire :


Alors que les rwandais sont en situation particulièrement difficile après la nuit du 4 au 5 octobre 1990 qui les a vus gaspiller la quasi-totalité de leurs munitions d’infanterie, et au moment où la Belgique refuse de livrer les munitions commandées et payées qui auraient, peut être, permis de faire face à l’attaque venue du Nord, les risques de massacres deviennent très élevé pour les huit mille personnes arrêtées …et pour d’autres ! Il est urgent de faire baisser la tension qui pèse sur le pays et sur les esprits.

La totalité des nations et des instances internationales a choisi de ne rien faire ou peu s’en faut.

Dans le souci d’aller vers un apaisement à l’intérieur du pays – c’est ainsi que le reçoit le militaire qui est sur le terrain - la France fait alors le choix d’aider le gouvernement rwandais à faire face à l’agression militaire frontale. Le président Habyarimana s’engage officiellement en retour à instaurer un régime démocratique (le premier gouvernement multipartite sera mis en place dès 1991).

Bien évidemment – et les assistants techniques militaires français ne cesseront de rappeler pendant trois ans que «si vous coupez nous partons » – l’instauration de la démocratie exclut tout massacre inter ethnique et toute exécution extra judiciaire. C’est sur ces bases – et avec l’appui déterminé de toutes les ambassades occidentales – que les huit mille détenus du stade de Nyamirambo seront libérés au début de 1991.


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Jean-François BRILLANT
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MessageSujet: Re: Le drame rwandais   Le drame rwandais EmptyMar 23 Oct - 20:47

2°) Les dispositions prises par le FPR face à ce génocide annoncé

2.1 : Pour empêcher – ou faire mine d’empêcher – le génocide

Une campagne médiatique, visant à la justification de la guerre par la diabolisation du régime d’Habyarimana a été déclenchée très tôt, au point que, le 1° octobre 1990, personne n’a osé poser la question de la légitimité de cette agression venant d’Ouganda, conduite par Fred RWIGYEMA qui, au moment où il attaque est le n°2 de l’armée ougandaise. Cette attaque est conduite au moyen de troupes ougandaises, avec des soldats en uniformes ougandais, porteurs de cartes d’identité de l’armée ougandaise et avec le matériel, les armes et les munitions de l’armée ougandaise.

Cette campagne médiatique, qui qualifiait déjà Habyarimana de génocidaire avant que soit tué le premier tutsi, sera relayée par des « bonnes âmes » occidentales qui seront instrumentalisées plus ou moins consciemment, telles Carbonare, Alison Desforges et autres, dans ce qui s’avérera n’être qu’une opération de camouflage.

Ces accusations – anticipées ou prémonitoires, voire tout simplement «en miroir » - s’exprimeront publiquement dans un rapport daté de mars 1993, publié sous le timbre d’une « Commission Internationale d’Enquête sur les Droits de l’Homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 » et présenté spectaculairement par un Carbonare en larmes au journal de 20H00 d’Antenne 2. (Au passage, observons que l’intitulé même de ce rapport, qui ne considère que les crimes commis depuis le 1er octobre 1990, s’inscrit bien dans la logique de la guerre déclenchée par le FPR et reconnaît implicitement que cette guerre est à l’origine de ces crimes ).

Ce rapport, commis par quatre associations prétendument soucieuses des droits de l’homme en général, était d’un parti pris insigne et scandaleux en ignorant outrageusement les crimes commis par le FPR dans la zone occupée. S’ajoutant aux crimes de masse commis depuis des années au Burundi voisin contre la communauté hutu - et volontairement ignorés par ceux là même qui n’oubliaient aucune faute rwandaise - la publication de ce texte provoquera parmi la majorité du peuple rwandais un sentiment de profonde injustice, de forte colère et de véritable révolte contre la communauté internationale.

Mais, de toutes façons, outre qu’elles ont été contre-productrices, ces dispositions prises par le FPR et apparemment soucieuses d’empêcher l’inévitable n’était en réalité qu’une simple posture qui avait pour but de prendre date et de dédouaner les actions réelles conduites par ce même FPR afin d’utiliser au mieux ce génocide.

Il en va de même de deux actions médiatico-judiciaro-politiques menées à grand bruit et qui ont pour nom, l’une Janvier AFRIKA et l’autre Jean-Pierre ; la première menée du temps des français et l’autre du temps de DALLAIRE. Sous couvert d’annoncer un génocide que nul ne pouvait décemment ignorer, ces deux individus tenteront d’accréditer la thèse selon laquelle le gouvernement HABYARIMANA - voire HABYARIMANA lui-même - planifiait ce génocide. Après enquête, il s’avérera que ces deux individus étaient en fait mandatés par le FPR.

2.2 : pour utiliser le génocide

Parallèlement à ces gesticulations politico-médiatiques, le FPR conduira des actions ponctuelles pour :
- dans un premier temps, intégrer le génocide dans la stratégie de prise de pouvoir en occultant ses propres crimes de guerre et autres assassinats politiques ainsi qu’en modifiant la répartition ethnique du peuple habitant au Rwanda;

- dans un second temps, instrumentaliser le génocide pour asseoir ce pouvoir, terroriser les éventuelles oppositions intérieures et surtout extérieures afin de réduire par avance tout obstacle aux opérations de conquêtes dans l’Est du Zaïre. Enfin, on envisage aujourd’hui, de manière accessoire d’en obtenir des réparations matérielles les plus importantes possibles.

2.2.1 : Intégrer le génocide dans la stratégie de prise de pouvoir

Cette stratégie m’est apparue dès la fin de 1992 – début de 1993, alors que j’étais intervenu sur les massacres commis dans le Bugesera au printemps 1992. J’ai constaté alors que les assassins prenaient pour prétexte une série d’attentats par mines anti char et explosif perpétrés dans la région depuis plusieurs mois. Persuadé comme tout un chacun que ces attentats étaient le fait des gouvernementaux qui nous "baladaient", j’ai décidé d’orienter sur ces crimes, les enquêtes de la nouvelle unité spécialisée en police judiciaire que nous venions de (re)créer. Il est très vite apparu, preuves matérielles en main et après arrestations de certains auteurs en flagrant délit, que les mines anti chars utilisées était frauduleusement introduites au Rwanda par des gens qui se réclamaient du FPR alors que les mines elles-mêmes - dont la traçabilité a pu être établie pour une grande partie d’entre elles - étaient de fabrication belge et avaient été livrées à la Libye qui les avaient envoyées, via le Burundi, à la NRA ougandaise lors de la guerre de maquis que livraient les réfugiés tutsis au profit de Museveni dans le milieu des années 80.

La réalité est apparue alors terrible : le FPR n’hésitait pas à mettre en danger la vie des tutsis de l’intérieur dans le seul but de provoquer le chaos à la faveur duquel il lui serait possible de prendre le pouvoir.

A la réflexion, cette attitude était parfaitement adaptée à la situation dans laquelle se trouvait le FPR et aux règles qui régissent habituellement le terrorisme : face à un pouvoir fort, solidement appuyé sur une majorité silencieuse - qu’elle soit pleinement consentante ou simplement passive - une faible minorité choisit généralement de faire basculer l’opinion publique en sa faveur en provoquant – par le biais d’attentats sanglants – des représailles aveugles et excessives qui rendront odieux aux yeux de la majorité indécise le pouvoir qu’elle veut abattre.

De plus, les enquêtes que j’ai fait conduire en 1992 et surtout en 1993 en zone occupée par le FPR (préfecture de Byumba en 1992 et de Ruhengeri en 1993) établissaient sans ambiguïté que cette déstabilisation du pouvoir par le terrorisme s’accompagnait de surcroît dans le Nord du Rwanda par une véritable campagne d’épuration ethnique conduite par le FPR et qui avait pour lui un quadruple avantage :

> de ne pas laisser dans les régions nouvellement occupées - et sur les arrières de ses troupes - une population généralement très hostile au FPR ;

> d’éliminer des élites hutus qui auraient été gênantes après la victoire (exemple : les magistrats de la cour d’appel de Ruhengeri massacrés avec leurs familles en février 1993)

> d’offrir un espace vital intéressant pour le retour des familles de la diaspora ainsi que pour récompenser les combattants d’origine autre que rwandaise mais nombreux dans la lutte à leurs côtés (ils étaient essentiellement ougandais mais aussi burundais, tanzaniens et congolais, etc.) ;

> d’envoyer dans les jambes du gouvernement de Kigali plus d’un million de réfugiés qui viendront crever dans des conditions épouvantables - et dans l’indifférence de la communauté internationale - dans le sinistre camp de Nyaconga, aux portes de la capitale.

Si cette stratégie du FPR a atteint très largement ses objectifs sur le terrain, elle n’a pas eu l’effet escompté sur tous les esprits. En effet si, devant les excès de la répression dans laquelle – malgré nos avertissements répétés – est bêtement tombée la population favorable au pouvoir, un certain nombre de rwandais, en nombre beaucoup plus limité qu’attendu, sont bien devenus sympathisants du FPR , la grande majorité du peuple rwandais s’est désespérée et radicalisée sous la bannière d’Habyarimana. De manière très regrettable, cette rancœur se cristallisera – comme d’habitude - sur l’ethnie tutsi et non sur les combattants du FPR.

2.2.2 : Le désespoir des hutus et un nouvel avertissement

Devant cette attitude destructrice et devant l’attitude de la communauté internationale qui persistait à ignorer les immenses souffrances de la majorité silencieuse du peuple rwandais, alors qu’elle mettait en exergue celles de la minorité agissante ou de ses apparentés, attitude ressentie comme une profonde et définitive injustice, le désespoir des hutus ne cessait de croître : « Cela finira mal, colonel, me disaient les religieuses qui vivaient au contact de la population et des camps de réfugiés, on les désespère trop ! »

La mission d’Assistance Militaire Française tentera de contrer la campagne médiatico politique omniprésente du FPR et, constatant les massacres des élites hutus et les déplacements massifs de population opérés par le FPR, lança un nouvel appel – qu’elle espérait très fort – en initiant le slogan de «khmers noirs » qui se voulait annonciateur de génocide mais qui, bien qu’ayant eu plus d’écho que le Télégramme Diplomatique de 1990, n’a pas eu tous les effets pédagogiques attendus.

Cette appellation de « Khmers noirs » signifiait en effet clairement que l’un au moins des deux partis en présence était en train – non pas de préparer – mais de provoquer un génocide.

Mais les accords d ‘Arusha interviendront en août 93 et consacreront la victoire diplomatique du FPR préfigurant la victoire totale. Par ces accords, le FPR obtenait des avantages considérables qu’il n’avait pourtant pas tous acquis au combat : l’intrusion d’un bataillon à Kigali et surtout le départ du seul soutien solide du pouvoir de Kigali. En obtenant le départ des troupes françaises, le FPR a fini de plonger la majorité des rwandais dans le désespoir et a éliminé du champ de bataille intérieur le seul élément qui, depuis 1990 était parvenu à freiner la commission du génocide.

[Pour illustrer ce propos je citerai une anecdote survenue à Arusha en juin 1993, peu avant la signature des accords définitifs, au cours d’une discussion informelle que j’eus au bar de l’hôtel « Mont MERU » avec un de ces agents que le FPR envoyait roder et sympathiser avec les différents membres des délégations étrangères afin de les sonder. Alors que ce derniers reprochait à la France d’intervenir sans raisons au Rwanda, je venais de lui expliquer que sans les troupes françaises, depuis 1990, il y aurait eu non pas quelques milliers mais quelques centaines de milliers de rwandais tués dans des massacres inter-ethniques, mon interlocuteur, furieux, s’est exclamé : « Mais laissez-nous nous massacrer tranquilles ! ». J’avoue que devant la naïveté de cette réaction, j’ai éclaté de rire : j’avais tort !]

Le sentiment d’injustice s’accentuera avec ces accords d’Arusha au sein de la population rwandaise et sera renforcé par l’assassinat en octobre 1993 du premier président hutu du Burundi, d’autant plus que les élites politiques hostiles au FPR seront dans le même temps victimes d’assassinat. Le FPR, et ses alliés tutsi du Burundi, ayant ainsi manifesté ouvertement leur refus de la démocratie et leur total mépris pour les sentiments de la majorité du peuple rwandais, recevront un renfort inattendu lorsque sur proposition de la MINUAR (est-ce DALLAIRE ? est-ce BOOH-BOOH ? qui commettra cette erreur psychologique et tactique fondamentale et était-ce bien une erreur de leur part ? ), il sera imposé aux rwandais que le bataillon FPR prévu par les accords d’Arusha sera cantonné au Conseil National du Développement, c’est à dire au siège du parlement rwandais. On ne pouvait mieux fouler aux pieds les sentiments de tout un peuple.

Il ne restait plus en effet qu’à bouter le feu à cette situation devenue explosive pour plonger le pays dans le chaos total. C’est ce que – dans la plus rigoureuse logique de sa stratégie de déstabilisation de l’état rwandais menée depuis 1991 - fera le FPR le 6 avril 94 au soir en assassinant les deux chefs d’état hutu de la sous région. Le désespoir de la majorité des rwandais atteindra un paroxysme et le Rwanda s’est alors embrasé, comme le souhaitait le FPR.

Puis à partir d’avril mai 1994, tous les experts militaires s’étonneront de la remarquable résistance des troupes gouvernementales, pourtant exsangues, indisciplinées et désarmées par l’embargo contrôlé unilatéralement par la MINUAR, face aux combattants du FPR sur armés et sur équipés ad libitum par l’Ouganda et ses alliés. En fait, à mon sens, l’explication est simple : le FPR en avril et mai 1994 n’était pas pressé de prendre le pouvoir. Il attendait simplement, à l’instar de jadis l’Armée Rouge devant Varsovie, que toute l’opposition intérieure soit massacrée pour pouvoir, après la « libération », installer un régime totalement à sa dévotion. On en est persuadé lorsqu’on lit l’excellent ouvrage du lieutenant RUZIBIZZA qui décrit très bien le travail accompli par les commandos net work infiltrés par le FPR à l’intérieur du Rwanda au point d’avoir pris, ici ou là, le contrôle de certains groupes d’Interhamwe.

2.2.3 : à instrumentaliser le génocide

Depuis quinze années, l’instrumentalisation du génocide par le président Paul KAGAME est quotidienne. Le fonctionnement politique et partisan du TPIR et des instances Onusiennes, dénoncé par plusieurs ouvrages (Le tribunal des vaincus de Cruveilher – Paix et Châtiment de F. Hartmann, etc..) en est le signe le plus tangible.

Souvenons-nous de Madeleine ALBRIGHT : « Nous tenons aux Tutsis comme à la prunelle de nos yeux ! ». Depuis qu’elle a prononcé cette phrase quelques 4,5 millions de hutus et congolais sont morts dans la région des grands lacs, pour le plus grand profit des finances rwandaises et de ceux à qui les armées de Kagame livrent les matières premières volées dans le Kivu !

Plus récemment, il a été dit - enfin clairement - que le Rwanda ne se contenterait pas d’une simple repentance de la part de la France mais qu’il exigerait des réparations en monnaies sonnantes et trébuchantes...... pour le récompenser de ses propres turpitudes, sans doute ?


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MessageSujet: Re: Le drame rwandais   Le drame rwandais EmptyMar 23 Oct - 20:51

Intervention du Général Jean-Claude LAFOURCADE
Commandant de l'Opération Turquoise

Le drame rwandais 2007.293%20(14).SD

"L’opération Turquoise, attendus, déroulement, bilan, analyse politique et stratégique."

Introduction :
Mon témoignage et mon analyse porteront sur mes responsabilités de commandant d’opération au Rwanda de juin à août 1994.
Je rappelle que Turquoise est une intervention décidée par l’ONU, à la demande de la France, avec le mandat d’arrêter les massacres et de protéger les populations. Cette opération dont le bilan a été unanimement salué à l’époque, fait l’objet aujourd’hui d’accusations aussi graves qu’infondées.

1 – Le contexte de l’intervention :

Première observation :
Conformément aux accords d’Arusha, l’Armée Française avait quitté le Rwanda en 1993 et une force de l’ONU de 2500 hommes (MINUAR) avait été mise en place pour faciliter et contrôler la mise en oeuvre de ces accords. Il n’y avait donc plus de militaires français au Rwanda au moment du drame (excepté les éléments de sécurité et de transmissions implantés à l’intérieur de l’ambassade).
Au plus fort des massacres, en avril 1994, le Conseil de sécurité a décidé le retrait des trois quarts de cette force. Il ne restait au Rwanda qu’environs 300 hommes de la MINUAR aux ordres du Général Dallaire. Je remarque au passage que ces militaires sont restés passifs devant des massacres qui se déroulaient sous leurs yeux.

Deuxième observation :
La décision d’intervention a été prise en période de cohabitation Mitterand-Balladur.
Une fois la décision prise et la résolution de l’ONU votée le 19 juin, il y a eu une grande cohérence au plus haut niveau de l’Etat dans le contrôle de l’opération que je commandais et dont la réussite a été saluée par tous. L’opération Turquoise n’était donc pas un enjeu de politique intérieure et elle était défendue et l’est toujours, par les principales formations politiques.

Troisième observation :
Le mandat de l’ONU fixait des conditions contraignantes pour l’exécution de la mission sur le terrain.
La résolution 929 prescrivait d’arrêter les massacres et de protéger les populations. D’une durée limitée à deux mois, le temps qu’une nouvelle force de l’ONU soit mise en place, cette mission devait être exécutée en toute impartialité, c'est-à-dire sans prendre part au conflit entre les Hutus des Forces Armées Rwandaises (FAR) et les Tutsis du Front Patriotique Rwandais ( FPR). Cela signifiait d’une part, qu’il ne fallait pas apporter de soutien aux FAR que nous avions formé et soutenu pendant la période de coopération militaire et qui nous voyaient arriver comme des sauveurs, d’autre part que nous ne devions pas affronter le FPR qui avait fait des déclarations belliqueuses à notre encontre.
Ce contexte impliquait de disposer d’une force robuste pour éviter d’être mis en difficulté comme l’avait été l’armée américaine en Somalie. Il impliquait également un grand discernement, une certaine prudence et la maîtrise dans l’engagement de la force.

2 – Déroulement et bilan de l’opération :

Je n’aborderai ici que les grandes lignes du déroulement de l’opération.
L’ensemble de la force a été acheminé très rapidement par voie aérienne dés le 22 juin. Le poste de commandement s’est installé à Goma au Zaïre montrant ainsi que nous n’avions pas l’intention de nous implanter au Rwanda.

1 ère Phase : Arrêt des massacres. (22 juin -7 juillet) :
> phase très délicate : absence de renseignements, effectifs réduits, incertitudes sur les positions FPR (ligne des contacts imprécise, offensive Kibuyé) et incertitudes sur le comportement des FAR et des milices. Priorité accordée au renseignement.
> progressivement, découverte de camps de réfugiés, (Nyarushishi, puis Bisesero dont on pourra reparler…) protection des populations, démantèlement des barrages, désarmement des milices et des FAR. Les principaux responsables des massacres ont fui au Zaïre avant notre arrivée.
> grande désillusion des hutus…confirmation de l’absence de soutien aux FAR.

2éme Phase : création d’une zone de sécurité humanitaire (ZHS) ( 7- 17 juillet)
> Le 7 juillet :
- rencontre et accrochage avec le FPR à Butare:( évacuation de 700 orphelins),
- création d’une zone de sécurité ( ZHS) : 2.400 km2 ( 50x50) trois secteurs, statut spécifique
- protection de 3 millions de personnes, patrouilles, désarmement des milices à l’intérieur et des FAR qui voulaient y pénétrer, sécurité des ONG, action humanitaire.

Je souligne deux faits importants pendant cette période :
1 - Les FAR ont été désarmées à l’intérieur de la zone et lorsqu’elles tentaient d’y pénétrer. La zone de sécurité n’a donc pas servi de refuge aux FAR contrairement à ce que disent certains. Par ailleurs le gouvernement intérimaire du Rwanda, dont je rappelle qu’il était reconnu par l’ONU, n’a fait l’objet d’aucune directive à la force Turquoise de la part de l’ONU et s’est exilé au Zaïre en passant par Cyangugu. En aucun cas la ZHS n’a servi de refuge aux génocidaires.
2 - Au Nord de la ZHS : les Tutsis du FPR ont poursuivi leur progression meurtrière, en refusant tout cessez le feu demandé par les FAR, par M.Khann représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU et par les organisations internationales et humanitaires. La poursuite de cette progression a provoqué l’exode d’1 million de personnes et du gros des FAR (ne pouvant se réfugier en ZHS) à Goma au Zaïre. Drame humanitaire avec une épidémie de choléra faisant 80.000 morts. Intervention de Turquoise : ramassage des morts (décision de commandement difficile), fosses, bioforce, épuration d’eau .

> Le 17 juillet fin des combats : Le FPR est au pouvoir à Kigali.

3éme Phase ( 17 juillet- 22 août) : fixation des populations au Rwanda ; préparation de la relève :
> protection des populations réfugiées
> stabilisation de la ZHS : désarmement, sécurité pour les ONG, constitution de dossier judiciaires sur les responsables des massacres transmis ensuite à l’ONU.
> assistance humanitaire : 3 millions de personnes et de réfugiés. Aide gouvernementale, analyse des besoins, soutien ONG, santé (hôpital de campagne)
> préparation relève Minuar 2 (Force de l’ONU décidée en mai…)
> mise en place de structures administratives,
> fixation de la population : méfiance concernant la Minuar - peur des Tutsis- action persuasive déterminante par les militaires français.

22 août : départ de la force Turquoise
Conformément au mandat de l’ONU malgré les demandes de poursuite de la mission. Relève par les forces ONU. Le FPR rentre dans la zone deux mois après.

Bilan de Turquoise :
> N’a pas empêché le génocide mais y a mis fin (20.000 à 30.000 vies sauvées)
> Rétablissement des conditions de sécurité pour l’exercice de l’action humanitaire et participation déterminante de la force à cette action humanitaire (logistique).
> Bilan humanitaire : 3.700 évacuations, 80.000 intervention sanitaire, 20.000 vaccinations, 20.000 dépouilles ensevelies, soutien logistique (transport aérien et terrestre, épuration d’eau…)
> Limitation de l’exode des populations et fixation de 3 millions de personnes au Rwanda
> Action positive saluée par l’ensemble de la communauté internationale, l’ONU (demande à la France de la prolongation du mandat…) et par les nombreux observateurs sur le terrain.

3 - Après 1994 , l’opération Turquoise revient dans l’actualité :
Situation au Rwanda :
Le FPR (Tutsis du Gal Kagamé) est au pouvoir à Kigali depuis 1994.
Entre 1996 et 2002 :
le Rwanda et l’Ouganda envahissent le Zaïre sous le prétexte de la menace des réfugiés hutus ; trois millions de victimes, exactions, pillage des richesses minières (coltan..)
2004 :
des articles et des livres mettent en cause la France et l’action de l’Armée Française.
2005 :
six plaintes de citoyens rwandais au TPA contre les soldats de Turquoise pour: "complicité de génocide, crime contre l’humanité". (Hélicos, viols, assassinats…)
Des campagnes de presse, des films des colloques, mettent en cause l’action de la France au Rwanda (complicité de génocide). Les militaires de Turquoise réagissent.
2006 :
création de l'association France Turquoise (www.france-turquoise.com);
objet :
> défendre la mémoire et l’honneur de l’Armée Française et des militaires ayant servi au Rwanda,
> contribuer au rétablissement de la vérité.
> Contre attaquer en diffamation ultérieurement.

4 - Analyse du commandant de l’opération :
Les massacres et le génocide sont une réalité indiscutable.
Il y a eu un génocide en 1994. Les responsables doivent être punis.
Mais ce n’est pas parce que la justice française implique Kagame comme responsable du déclenchement de la violence et des massacres et qu’il lui est reproché d’avoir refusé tout cessez le feu, que cela exonère les autres. Les accusations de révisionnisme portées à l’encontre de ceux qui s’interrogent sur cette tragédie sont intolérables. Elles procèdent de méthodes staliniennes qui n’honorent pas ceux qui les mettent en œuvre et qui refusent d’inscrire ce drame dans l’histoire du Rwanda.
Je dirai aussi qu’il y a eu des Hutus courageux, j’en ai rencontré sur le terrain, qui se sont opposés aux massacres ou qui en ont eux même été victimes. Il n’est donc pas acceptable de qualifier globalement la population Hutu de "génocidaires" comme certains le font actuellement.

Comment ce drame a-t-il pu se produire ?
Analyse personnelle de ce que j’ai pu en percevoir sur le terrain : il y a eu une réaction de peur panique, venant du fond de leur histoire commune et procédant des antagonismes ethniques entre Hutus et Tutsis, attisée par les extrémistes hutus et leurs radios ainsi que par les actions de déstabilisation du FPR.

L’action de la France :
Elle est la seule a avoir eu le courage d’intervenir pour mettre fin aux massacres avec l’opération Turquoise.

L’action de la communauté internationale :
Elle a été indigne et coupable en fermant les yeux sur le drame. On peut se demander pourquoi. En refusant d’agir et en retirant les forces de l’ONU certaines grandes puissances du Conseil de sécurité voulaient-elles favoriser la prise du pouvoir par Kagamé ?

Interrogations sur la stratégie de conquête du pouvoir par Kagamé :
Kagamé était très réservé sur les accords d’Arusha qu’il ne pouvait pas refuser mais qui conduisaient pour lui à une impasse.
Malgré une armée Tutsi/FPR puissante et supérieure à celle des Hutus/ FAR il a attendu deux mois avant d’intervenir pour arrêter les massacres des Tutsi après le 6 avril.
Il a refusé tout cessez le feu malgré les demandes de l’ONU, des Hutus, des FAR, de la France et des organisations humanitaires alors qu’il était vainqueur, poussant à l’exode l’armée Hutu et un million de personnes au Zaïre avec des conséquences dramatiques qui perdurent encore aujourd’hui.
Etant moi-même intervenu auprès de Kagamé pour qu’il arrête sa progression alors que les FAR étaient vaincues, je me suis toujours interrogé sur son comportement : était ce une stratégie délibérée ? Ce que semblent confirmer l’enquête du juge Bruguière et les déclarations du Procureur Carla del Ponte . Pour quel motifs ? Surpeuplement du Rwanda surtout avec le retour de la diaspora tutsie exilée ? Anticipation pour un conquête ultérieure du Kivu historique ? Alibi pour une future intervention au Zaïre et le pillage des ressources minières ?
Il apparaît aujourd’hui que le régime de Kigali emploie les méthodes éprouvées des régimes totalitaires : accusations spectaculaires mais infondées contre la France et son Armée permettant de détourner l’attention, instrumentalisation de la justice et de l’information, tout en s’appuyant sur l’aspect émotionnel du génocide pour s’attirer la sympathie de l’opinion et de la communauté internationale.
Je constate que des associations telles que Avocats sans frontières, Reporters sans Frontières, la Ligue des droits de l’Homme…mettent en cause le régime de Kigali pour ses atteintes aux libertés et aux droits de l’Homme. On ne peut pas ignorer cet éclairage essentiel si on veut comprendre le pourquoi des accusations portées contre la France et contre Turquoise.

Conclusion :

L’opération Turquoise est à l’honneur de la France et des pays africains qui l’ont accompagnée. Cette opération courageuse a été exécutée de manière exemplaire dans des conditions très difficiles par des soldats qui ont montré une compétence, un sang froid et une générosité humaine exceptionnels.
Le bilan positif de cette opération a été salué par l’ensemble de la communauté internationale. Les très nombreux observateurs présents sur le terrain n’ont, à l’époque, relevé aucune faute de comportements des militaires français, soulignant, au contraire la qualité de leur action. Les accusations, dont ces soldats sont aujourd’hui l’objet, sont indignes, injustes et , je le redis,sans fondements.

Il y a eu génocide et massacres au Rwanda, c’est incontestable. Le problème est d’en comprendre les enchaînements et les responsabilités.
S’il est fait une lecture univoque ou tronquée de ce qui s’est passé il n’y aura aucune réconciliation possible dans ce pays.


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MessageSujet: Re: Le drame rwandais   Le drame rwandais EmptyMar 23 Oct - 21:40

Intervention du Colonel Jacques HOGARD
Commandant du Groupement Sud de "Turquoise" du 30 juin au 21 août 1994.
Le drame rwandais 2007.293%20(16).SD

En 15 minutes, je ne reviendrai pas sur le déroulement de l’opération TURQUOISE à laquelle j’ai eu l’honneur et la fierté de participer comme chef du groupement sud durant l’été 1994 au Rwanda, dans ce pays-martyre qui sortait à peine d’une tragédie sans précédent, celle du
génocide épouvantable qui venait de s’y dérouler à l’encontre de la communauté Tutsie mais aussi de nombreux Hutus - dans l’indifférence absolue de la communauté internationale et malgré les efforts de la France pour le faire cesser.
L’opération Turquoise est depuis 1994 l’objet d’attaques et de remises en cause inacceptables, que j’estime toutes dictées par des considérations d’ordre idéologique ou politique, visant à décrédibiliser la France et les pays africains qui y ont participé.
Devant ces attaques reprises jusqu’en France hélas par quelques individus et organisations aussi partisans que sectaires, tous forts de leurs certitudes en béton armé, j’ai décidé en octobre 2005, de livrer mon propre témoignage, celui d’un soldat qui avait été engagé sur le
terrain, d’un soldat qui a fait ce qu’il a pu, dans le cadre espace-temps qui lui était fixé, à l’instar de ses chefs, de ses pairs ou de ses subordonnés, pour mettre un terme à l’horreur, c’est à dire aux massacres et règlements de compte de tous ordres, et ramener un peu d’ordre et de paix sur une parcelle de sol rwandais.
Je ne vais donc pas reprendre ici en si peu de temps ce que j’ai par ailleurs écrit dans ce petit livre, que beaucoup d’entre vous ont probablement lu.
Par ailleurs le Général LAFOURCADE qui a été le patron respecté de cette opération, vient de vous en faire la description, de vous en rappeler le contexte, le déroulement, les enjeux…
J’ai donc choisi délibérément, simplement – cela peut vous étonner – d’appeler votre attention sur « l’après-Turquoise »…
Ce que j’ai à dire est très important, car si tout le monde ne connaît pas ou mal l’histoire contemporaine rwandaise, tout le monde connaît en revanche le contexte actuel des relations franco-rwandaises et en particulier la mise en accusation systématique de notre pays par les
autorités actuellement au pouvoir à Kigali, la recherche obsessionnelle de la culpabilité française dans les dramatiques évènements de 1994 que l’on nomme avec raison de ce terme lourd de sens qu’est le mot "génocide".
J’invite en effet les participants à ce colloque, en sortant de cette salle, à acheter en kiosque l’hebdomadaire « Valeurs Actuelles » qui parait aujourd’hui…
Ils y trouveront l’illustration de ce que peut-être une partie de « l’après Turquoise » pour un Officier parmi d’autres, qui plus de treize ans après, ne peut pas rompre avec ce passé, qui fait désormais partie intégrante de sa vie.
J’ai donc choisi de vous raconter une histoire qui me tient à coeur, une histoire qui m’empêche souvent de dormir la nuit. L’histoire de deux Rwandais, de deux « Justes » Rwandais, le Major Augustin CYIZA et le Sous-Préfet Théodore MUNYANGABE.
Lorsque j’ai écrit « les Larmes de l’Honneur », j’en ai dédiées les pages à ces deux hommes de bonne volonté, courageux, droits, généreux, qui en ce début d’été 1994 venaient non seulement de tenter de faire obstacle à leur niveau par tous les moyens au Génocide, au péril de leur liberté et de leur existence, mais en plus, de « surcroit », comme s’ils n’en avaient pas fait assez pour leur pays, acceptaient de m’aider à mener à bien ma mission de rétablissement de l’ordre et de sécurisation de mon secteur, celui de Cyangugu, en m’apportant leur connaissance du terrain et des populations et leurs compétences au sein du Comité Préfectoral
Intérimaire que j’avais mis en place pour établir le lien indispensable entre les forces françaises de Turquoise et la population de la préfecture de Cyangugu.
Je dois leur rendre ici justice. Augustin CYIZA et Théodore MUNYANGABE m’ont aidé inlassablement, malgré les menaces que faisaient peser sur eux les responsables de l’ancien régime, ceux qui, partant en exil au Zaïre et souhaitant pratiquer la politique de la terre brûlée, ne supportaient pas que certains de leurs anciens subordonnés ou collègues n’obtempèrent pas à ces consignes et restent au Rwanda pour participer aux prémices de sa reconstruction…Nombreuses ont été les nuits pendant lesquelles les Légionnaires français ont protégé Augustin CYIZA et Theodore MUNYANGABE des tentatives d’assassinat perpétrées par
des Interhamwe s’infiltrant depuis le Zaïre tout proche…
Lorsque j’ai accueilli le 16 août 1994 à Cyangugu une délégation du nouveau Gouvernement constitué par le FPR à l’issue de sa victoire militaire, Augustin CYIZA et Théodore MUNYANGABE étaient les chevilles ouvrières de l’organisation et du bon déroulement de cette
importante manifestation.
Pas moins de quatre Ministres, collègues de M. KAGAME (qui n’était encore alors officiellement que le « vice-président » du nouveau Rwanda mais qui en était déjà, la suite l’a montré, l’homme fort), étaient présents ce jour-là. Parmi ces quatre Ministres :
> Seth SENDASHONGA, alors ministre de l’intérieur, a depuis été assassiné le 16 mai 1998 à Nairobi par des agents de la sinistre DMI, les services secrets de M. KAGAME après qu’il ait entrepris de s’élever contre le totalitarisme du régime et de dénoncer notamment le recours systématique aux faux-témoins au TPIR,
> Alphonse-Marie NKUBITO, alors ministre de la Justice est mort d’un empoisonnement étrange et non élucidé le 13 février 1997 à Kigali…Lui-aussi était malheureusement devenu un opposant à ce régime dont il avait cru passionnément qu’il ramènerait la paix et la prospérité à son pays.
De ces quatre ministres nous avons la chance heureusement d’avoir aujourd’hui parmi nous Jean-Marie VIANNEY NDAGIJIMANA, alors ministre des affaires étrangères. Il est présent et intervenant à ce Colloque. Il vous dira lui-même son parcours.

Mais revenons à mes amis.
Augustin CYIZA est mort. C’est aujourd’hui une triste certitude. Après s’être rallié au nouveau régime FPR lors du départ des Français de Turquoise, parce qu’il en attendait un véritable travail de reconstruction et de réconciliation nationale, et après qu’il ait occupé de hautes fonctions dans la nouvelle Magistrature rwandaise (Vice-président de la Cour Suprême et président de la cour de cassation de 1995 à 1998), Augustin a payé de sa vie son attachement à la recherche de la vérité et aux libertés. Rapidement devenu très critique, à l’épreuve des faits, tant vis-à-vis de la partialité du TPIR qui l’a profondément déçu, que des dérives totalitaires du régime instauré par le FPR, il est rapidement classé comme opposant. Mais sa dimension humaine et morale, sa popularité en font une véritable menace pour le régime de KAGAME, qui finit par le faire disparaître à Kigali pour l’assassiner le 23 avril 2004.
Parler de lui aujourd’hui , évoquer sa mémoire, apporter mon témoignage est pour moi un devoir.
Ainsi que l’ont écrit conjointement et fort justement André GUICHAOUA, Noël TWAGIRAMUNGU et Claudine VIDAL à son sujet : « Participer à la conspiration du silence équivaudrait en cette période de mise au pas des dernières ONG de défense des droits de l’homme encore quelque peu indépendantes, à entériner la « disparition » d’un des plus éminents promoteurs de ce mouvement à la fin des années 80. Lui qui outre la fidélité à ses convictions, voulut demeurer un homme libre jusqu’au sacrifice ».

Quant à Théodore MUNYANGABE, lorsque j’ai écrit les « Larmes de l’Honneur », je le croyais également mort.
Grace à Internet qui abolit les frontières, j’ai eu l’immense émotion il y a un an d’apprendre de la bouche même de ses enfants aujourd’hui réfugiés en Europe ce qu’il était advenu de leur père.
Voilà ce que j’ai écrit dans une note récente remise aux plus hautes autorités de mon pays :
« Ce haut fonctionnaire dont le comportement a été sans peur et sans reproche lors du génocide qui a ravagé ce pays d’avril à juin 1994, m’a aidé au péril de son existence, menacée par les extrémistes hutus, à rétablir l’ordre et la sécurité en préfecture de Cyangugu (Rwanda)
durant la totalité de l’opération Turquoise (été 1994).
Après le départ des troupes françaises puis de celles de l’ONU, alors qu’il était le seul haut fonctionnaire de la préfecture à n’avoir pas fui à l’étranger, Theodore MUNYANGABE s’est rallié au nouveau gouvernement rwandais, comptant sur sa volonté affichée de réconciliation et d’unité nationale.
En mars 1995, le nouveau régime, sous la pression de Paul KAGAME, l’homme fort qui ne se présentait encore que comme « vice-président°», dévoile son vrai visage.
Massacres, enlèvements, déportations sont désormais le moyen le plus sûr de se débarrasser des opposants réels ou présumés.
Théodore MUNYANGABE, parce qu’il a été sous-préfet sous l’ancien régime, parce qu’il est Hutu, parce qu’il a travaillé avec les Français de l’opération Turquoise est scandaleusement arrêté et accusé de "génocide" et de "crimes contre l’humanité".
Il s’agit de prouver qu’il est un « génocidaire », et passible comme tel de la peine de mort.
Au terme de 2 années d’« instruction », il est condamné à mort en 1997.
Mais il fait aussitôt appel et deux nouvelles années se passent pendant lesquelles sont réunis tous les témoignages, notamment de Tutsis rescapés du génocide, en particulier celui de Daniel KAMATALI, responsable de la communauté tutsie du camp de réfugiés de Nyarushishi, qui l’innocentent de manière formelle et définitive de l’accusation de « génocide » et de « crimes contre l’humanité ».
En définitive, il est lavé de toute accusation et fait l’objet d’un non-lieu en 1999.
Mais il reste aux yeux du régime totalitaire instauré par le général KAGAME, suspect parce que Hutu et en tout cas coupable d’avoir été un acteur important auprès des Français de l’opération Turquoise.
Moins d’un mois après sa libération, et non sans avoir été remis sous surveillance armée, il est finalement jeté en prison à Cyangugu sans l’ombre d’un procès ou d’une procédure normale.
Il y est détenu depuis 8 ans, et victime de très fortes pressions morales et physiques pour qu’en échange de sa mise en liberté, il accuse à son tour les forces françaises de l’opération Turquoise des mêmes ignominies.
Ce que jusqu’à ce jour, pour son honneur, au prix de sa liberté et de son intégrité physique, et des pressions sur sa famille, il s’est toujours refusé à faire.
Il ne peut voir sa femme qu’au cours d’une entrevue mensuelle de 3 minutes !
Theodore MUNYANGABE est à bout, victime de violences physiques et de tortures morales.
Trois de ses enfants ont pu heureusement quitter à temps leur pays et rejoindre l’Europe. La dernière vient de se voir reconnaître le statut de réfugiée politique par le Royaume de Belgique. Ses autres enfants ont du à leur tour se résoudre à prendre le chemin de l’exil au début avril 2007 pour échapper à la menace d’un enlèvement et d’une détention arbitraire.
Je vous invite comme je vous le disais en introduction à lire le magnifique et bouleversant article paru à son sujet aujourd’hui même dans l’hebdomadaire Valeurs Actuelles.
Tout doit être fait pour sortir cet homme de l’étau totalitaire qui veut le broyer !
Voilà, en tout cas, ce qui peut constituer une partie des « blessures de l’après-Turquoise » pour un Officier français parmi tant d’autres, fier de ce que son pays a fait au Rwanda pour lutter contre la barbarie et atténuer les souffrances des hommes, fiers de ses soldats qui ont
donné le meilleur d’eux-mêmes durant ce tragique été 1994 au pays des mille collines et des sept volcans.
En vérité, je souffre pour le Rwanda d’aujourd’hui, comme je souffre pour le Rwanda d’hier.
La lâcheté de la communauté internationale a permis que s’y déroule l’indescriptible, l’horreur de l’horreur. Et la même lâcheté permet que ce pays soit aujourd’hui enfoui sous une chape de plomb et de cendres. Avec la haine comme seul horizon. Et la bénédiction des nouveaux bien-pensants


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MessageSujet: Re: Le drame rwandais   Le drame rwandais EmptyMar 23 Oct - 21:56

De nombreux autres intervenants ont pris part à ce colloque.

Parmi eux :
Paul QUILES, ancien ministre, président de la Mission d'information parlementaire sur le Rwanda,
Jean-Marie VIANNEY-NDAGIJIMANA, ancien ministre des affaires étrangères du Rwand, ancien amdassadeur du Rwanda en France,
Xavier de VILLEPIN, ancien président de la Commission des affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat,
Jacques GERARD, membre honoraire du Conseil économique et social,
Pierre PEAN, journaliste et écrivain,
Victoire INGABIRE UMUHOZA, présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU, opposition rwandaise en exil)
Marc GENTILINI, ancien président de la Croix Rouge française,
Lionel POURTAU, sociologue.

Je ne manquerai pas de vous faire partager le texte de leurs interventions dès que me parviendront les actes du colloque.

Je voudrais ici exprimer ma gratitude au Général LAFOURCADE, au Colonel ROBARDEY et au Colonel HOGARD pour la promptitude avec laquelle ils m'ont fait parvenir leurs interventions.

Comme vous en avez l'habitude, et pour garder à ce sujet son homogénéité, un topic de libre discussion est disponible sous ce lien :
https://alsacereserve.jeun.fr/a-propos-de-f106/turquoise-mettre-fin-au-massacre-t2676.htm#25240
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