Allocution de M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, à l'occasion des obsèques de l'Adjudant-Chef Pascal CORREIA et de l'Adjudant-Chef Eric LALLOYEAU.
Hôtel des Invalides, Paris, le lundi 30 juillet 2007
Mesdames et Messieurs,
Je tenais à être parmi vous, aujourd'hui, dans cette cour d'honneur qui a si souvent témoigné de la douleur des militaires et du désespoir de leurs proches, pour rendre un dernier hommage à deux valeureux soldats.
Mais que dire qui n'enlève rien à la gravité du moment, à sa solennité, à sa profonde humanité aussi ?
Que dire qui soit digne de la mémoire de nos deux camarades disparus ? Qui soit digne de leur sacrifice ? Qui soit digne de la peine de leurs familles ?
Que dire qui exprimerait le sens véritable de ce drame humain qu'est la perte de deux pères pour leurs familles, de deux magnifiques combattants tombés au champ d'honneur dans l'accomplissement de leur mission au service de la paix ?
Sans doute exprimer simplement ce que chacun ressent au plus profond de son âme.
D'abord, dire le respect et l'admiration qu'inspire le sacrifice de ces hommes.
En choisissant, il y a un peu plus de vingt ans, la carrière des armes, ils engageaient leur vie au service de nos concitoyens.
Le métier militaire comporte bien des contraintes et bien des exigences. Mais ce qui fait sa véritable grandeur, c'est cette part de sacrifice acceptée d'avance qui lui est consubstantielle et qui fait toute sa noblesse.
Donner sa vie pour ses concitoyens. Donner son sang pour la France. Faire don de soi au service des valeurs auxquelles nous croyons et que nous défendons sur la scène internationale parce que ce sont des valeurs universelles. Existe-t-il un choix plus grand, plus digne de respect que celui-là ?
Les militaires savent toujours faire ce qu'il faut pour accompagner leurs frères d'armes tombés au combat. Dans la dignité. Dans la sobriété.
Ils savent aussi conserver pieusement et honorer régulièrement leur mémoire.
Ils savent enfin, dans chaque unité, entourer les familles éprouvées et leur apporter soutien et réconfort. C'est leur devoir de solidarité et c'est leur honneur.
Mais bien souvent, je me dis que la société pourrait sans doute faire plus et mieux pour tous ces héros anonymes qui meurent dans l'accomplissement de leur devoir : tous ces militaires et agents civils, tous ces sauveteurs bénévoles qui disparaissent chaque année en assurant la protection de leurs concitoyens.
C'est pourquoi, il me paraît juste que pour sa part, l'Etat rende, à travers ses autorités politiques, l'hommage qui revient à celles et à ceux qui ont tout donné pour notre pays.
Parce que tant que nous aurons des femmes et des hommes pour qui le service de la France justifiera d'avance tous les sacrifices, tant que nous aurons des femmes et des hommes qui iront jusqu'à y consentir, si nécessaire, le don de leur propre vie, la Nation vivra, le pays ne mourra pas.
Cet hommage solennel que nous rendons aujourd'hui, c'est bien la manifestation de notre reconnaissance collective, exprimée à ceux qui sont morts les armes à la main mais aussi à leur famille qui supporte tout le poids de leur disparition.
L'adjudant-chef Pascal CORREIA, du 1er Régiment de chasseurs parachutistes, a trouvé la mort alors qu'il participait à la formation d'une compagnie de l'armée nationale afghane, victime d'un tir de roquettes provenant des forces insurgées. C'était un sous-officier d'une remarquable valeur professionnelle et humaine, au sommet de son art. Au 9ème puis au 1er Régiment de chasseurs parachutistes, ainsi qu'au centre national d'entraînement commando, il s'était forgé une très solide compétence dans le domaine du combat aéroporté, enrichie de l'expérience de nombreuses missions extérieures : du Tchad à Sarajevo, où son courage lui valut une première citation, de la Bosnie à Bangui et au Kosovo. Pour ses camarades, il restera ce compagnon d'armes à la bonne humeur permanente, à la gentillesse profonde, simple et vraie.
C'est au cours d'une mission d'assistance au déminage au Liban que l'adjudant-chef Eric LALLOYEAU, du 31ème Régiment de Génie, est tombé victime de l'explosion d'une sous-munition. Lui aussi était un sous-officier très expérimenté, connaissant toutes les arcanes et aussi les dangers de la spécialité périlleuse qu'il avait choisie. A travers ses différentes affectations - au 17ème Régiment de génie parachutiste, au 13ème Dragons parachutistes, au 3ème et au 31ème Génie -, il avait franchi tous les degrés de l'excellence professionnelle et effectué de nombreuses missions extérieures : l'opération DAGUET en 1990, puis l'ex-Yougoslavie, la République centrafricaine, le Kosovo et enfin le Liban. C'était un homme calme et droit, toujours soucieux de transmettre son expérience aux plus jeunes. Lui aussi était apprécié de ses chefs, de ses camarades et de ses subordonnés. Lui aussi a donné sa vie au service de la paix, de nos engagements internationaux, de nos valeurs et - n'en doutons pas un seul instant - de notre sécurité. Car ne nous y trompons pas : même loin de nos frontières, quand la paix recule, quand nos valeurs sont menacées, c'est notre sécurité qui s'en trouve affaiblie.
Adjudant-chef CORREIA, adjudant-chef LALLOYEAU,
vous êtes de la trempe de ceux que l'on donne en modèle aux plus jeunes, ces " maréchaux " qui constituent l'ossature de nos armées. Des soldats viendront encore, nombreux, qui s'inspireront de vos exemples.
C'est pourquoi vous avez été promus adjudant-chef, à titre posthume, le jour où vous êtes tombés au champ d'honneur ; c'est pourquoi la croix de la valeur militaire, accompagnée d'une citation à l'ordre de l'armée - la plus élevée qui soit dans la hiérarchie des citations militaires - vous a été décernée en récompense de votre bravoure au combat et de votre magnifique esprit de sacrifice. Elle vous a été remise ce matin par vos pairs.
Et c'est pourquoi, dans quelques instants, je vais vous remettre la Légion d'honneur.
Mais cette cérémonie militaire, dans sa sobriété, exprime plus que l'hommage des armées et l'action de vos compagnons d'armes : elle parle d'affection.
Je pense naturellement, en premier lieu, à vos épouses, à vos enfants. Mais je pense aussi à vos camarades de régiment et amis.
Je sais que dans l'épreuve absolue qui les frappe et qu'ils doivent désormais affronter, les mots peuvent paraître dérisoires.
C'est pourquoi j'ai tenu à dire, ici aux Invalides, à Madame CORREIA et à sa toute jeune fille Léna, à Madame LALLOYEAU, et à ses enfants Hélène et Philippe, que malgré leur douleur immense, ils peuvent être fiers de leur mari et de leur père.
Je veux les assurer de la compassion, de la solidarité et de la gratitude de la Nation, qui ne les oubliera pas.
En m'inclinant devant leurs corps, soixante millions de Françaises et de Français m'accompagnent pour saluer la mémoire de Pascal CORREIA et Eric LALLOYEAU, ces héros modestes et discrets.
Je vous remercie.