Je vous livre "brute de décoffrage" une analyse de la situation tchadienne, rédigée par un observateur français qui me l'a fait parvenir "rien que pour vous" !
La France aimerait vraiment qu'on arrête de parler de ses relations avec le régime de Déby et celui-ci ne l'aide pas beaucoup.
> Bernard "Rice" Kouchner (surnom donné à notre ministre des Affaires étrangères par un membre de l'ONU au Sud Soudan, apparemment agacé par les errements de la politique française dans la région ces dernières semaines...mais on ne sait pas si il fait allusion au sac de riz ou à la vision des relations internationales de la secrétaire d'Etat américaine) est la risée depuis quelques heures de certains milieux diplomatiques avec le costard que Human Rights Watch lui taille sur mesure.
Il faut bien admettre qu'il a fait fort ce lundi, en déclarant que "des témoins assez crédibles" ont vu l'opposant tchadien Yorongar libre dans les rues de N'Djamena.
Le hic c'est qu'aucun diplomate français en poste en Afrique, aucune ONG type HRW ou International Crisis Group, n'a été capable d'apporter des précisions alors que Olivier Bercault - chercheur de HRW présent à N'Djam - est toujours incapable de localiser le dit Yorongar!
> L'Elysée et le Quai d'Orsay tenaient à annoncer seuls la visite de Nicolas Sarkozy au Tchad sur la route qui l'emmènera en Afrique du Sud.
Paris avait officiellement posé comme préalable un "éclaircissement de la situation de l'opposition civile tchadienne" à toute visite du président français.
Pas de bol : Déby et sa clique, bien contents de pouvoir s'afficher auprès d'un grand (sic) de ce monde ont éventé le secret.
Seul gagnant dans l'affaire : l'opposant Lol Mahamat Choua qui vient de quitter les prisons tchadiennes (pour une assignation à résidence)...pas sûr qu'il ne les retrouve pas une fois le président français remonté dans son Airbus en direction de Pretoria.
> L'adage "quand le bâtiment va tout va" se vérifie aussi au Tchad.
Déby a demandé à une société locale de BTP (non je n'ai rien dit sur Bolloré) de construire un fossé de 3m de profondeur et de 2 de large à 20km de sa capitale.
Le fossé devra entourer toute la capitale.
Pour ceux qui dormaient en cours d'histoire, ça n'a pas changé depuis les Grecs à la bataille des Thermopyles : on oblige l'ennemi à se concentrer et ne passer que là où on le souhaite pour pouvoir lui en mettre plein la figure.
Déby ayant la supériorité aérienne et des chars, la prochaine visite des pick up rebelles ne sera pas une partie de plaisir.
> Les avions libyens qui ont ravitaillé Déby avant et pendant le dernier rezzou ne contenaient apparemment pas que des armes "made in ex Pacte de Varsovie".
Après les missiles Milan livrés discrètement comme cadeau de Noël et qui avaient fait hurler les Irlandais et douter les membres de l'EUFOR de la "neutralité" française dans la crise tchadienne, Paris a livré au début de l'année 2008 une dizaine de postes ERYX et un nombre indeterminé de missiles.
La traçabilité n'étant pas le fort des Africains, ce n'est pas au Tchad qu'on se plaindrait de cette livraison mais...au Soudan.
Petit rappel : début février 2008, les Janjawids appuyés par l'armée soudanaise poussent au Tchad plus de 10.000 civils après avoir rasé les localités d'Abu Suruj, Sirba et Seleia au Sud Darfour.
200 morts civils mais les gouvernementaux auraient aussi eu des pertes, dont 2 BTR au tas...touchés chacun par missile.
Quand on sait que les mouvement rebelles soudanais se servent dans les armureries tchadiennes et qu'il en est de même des rebelles tchadiens au Soudan, Khartoum sait bien que c'est de bonne guerre mais la présence d'armes antichars autres que le RPG-7 explique les changements tactiques observés dans les 2 pays dans les dernières actions militaires et plus particulièrement le recours à l'aviation.
L'absence d'armes antichars chez les rebelles tchadiens leur a coûté cher dans N'Djamena face aux vieux mais encore efficaces T-55 de l'ANT.
La présence d'armes antichars chez les rebelles soudanais explique que l'arme blindée soudanaise reste en retrait actuellement depuis l'épisode d'Abu Suruj.
Nul doute que de part et d'autre on saura choisir les bons équipements pour le prochain round.
Dans ce cirque, il ne manque plus que les missiles sol-air type Stinger ou SA-16...les pilotes de Mi-24 de chaque camp ne seront pas invincibles bien longtemps.
Se posera à terme dans ce cas aussi la question de la sécurité des hélicos de l'ALAT française et des Mirage.
En attendant, entre les Autrichiens qui ont montré leur bravoure dans la bataille de N'Djamena et les Finlandais demain à Abeché, tous ces pays européens vierges ou presque de toute expérience opérationnelle en Afrique doivent se faire des cheveux blancs et prier pour que Idriss Déby et Omar al Béchir tiennent bien en laisse leurs molosses pendant le mandat de l'EUFOR.
Dans la "grande presse" on écrirait "NDLR" (notes de la rédaction), je me contenterai d'écrire "quelques observations" (il y en aurait de nombreuses autres à faire) :
> Il y a quelques mois, le 402e RA de Châlons en Champagne fêtait en grandes pompes le 20e anniversaire de la seule victoire aérienne de l'Artillerie sol-air française. La "victime" était un Tu-22 libyen, abattu à l'approche de N'Djamena le 7 septembre 1987. 20 ans plus tard, la France fait livrer des munitions à Idriss Déby (qui fut son adversaire en d'autre temps) par des avions libyens... No comment !
> L'arrivée des Stinger ou des SA-7/16 ne se fera plus attendre très longtemps. On sait, par exemple, que l'opération héliportée sur Anjouan est remise en cause par la présence de Stinger dans l'arsenal de la Force de Gendarmerie anjouanaise... Et sur le marché - qu'il soit "officiel", "officieux" ou "clandestin" - ce type de missile est presque aussi répandu que la Kalach ou le RPG7...