Le FIGARO- 19/06/2008 | Mise à jour : 21:40
Plusieurs dizaines de fantassins français épaulent les troupes gouvernementales afghanes engagées dans la lutte contre les talibans.
Des fantassins français sont de retour dans le sud de l'Afghanistan. Quelque 70 hommes de l'équipe française attachée à la 1re brigade du 201e corps de l'armée nationale afghane sont arrivés en renfort mercredi soir à Kandahar, alors que les opérations continuaient contre les talibans dans la vallée de l'Arghandab, au nord-ouest de la ville.
Les kandaks, bataillons afghans, et leurs formateurs français doivent se joindre ces jours-ci à l'opération, la plus vaste jamais menée par l'armée afghane depuis sa refondation sous le patronnage de l'Otan en 2002.
Le convoi franco-afghan a parcouru par la route les 500 kilomètres qui séparent Kaboul de Kandahar.
Les difficultés rencontrées indiquent l'impunité avec laquelle les insurgés afghans opèrent dans les provinces méridionales du pays.
À moins d'une centaine de kilomètres au sud de la capitale, dans la province du Wardak, un engin explosif d'environ 250 kg a mis hors de combat un véhicule blindé français (VAB).
Plus au sud, deux embuscades ont encore ralenti la progression. Les troupes afghanes et françaises ont mis près de 22 heures à rejoindre Kandahar.
En tout, trois soldats français ont été blessés dans ces accrochages, mais aucun grièvement.
Les légionnaires des 4e régiment étranger, 2e régiment étranger d'infanterie et 2e régiment étranger de parachutistes, qui constituent une partie de l'équipe, ont déjà pris part à des engagements contre les talibans aux côtés des kandaks afghans, notamment dans les provinces de la Kapissa et de Wardak, au nord-est et au sud de Kaboul.
Mais c'est la première fois que des troupes au sol françaises vont être engagées dans la très volatile province de Kandahar, depuis le départ en 2007 d'un détachement des forces spéciales françaises basé à Spin Boldak, le long de la frontière avec le Pakistan.
Les nations de l'Otan déployées dans le Sud afghan, Canadiens, Britanniques et Américains, réclament depuis longtemps que leurs alliés viennent les épauler.
Mais les Français, Espagnols, Italiens et Allemands, qui opèrent dans les provinces relativement plus calmes du nord, du centre et de l'ouest de l'Afghanistan, ont longtemps posé des règles d'engagement qui limitaient leur emploi à ces provinces.
Les Français ont été les premiers à lever ces restrictions.
Sont déjà basés à Kandahar six avions, leurs équipages, et leurs personnels de soutien de l'armée de l'air. Ces appareils fournissent, aux côtés de l'aviation de la coalition, une partie de l'appui des troupes au sol.
Une équipe française doit aussi rejoindre au mois d'août les Néerlandais en poste dans l'Uruzgan.
Mais l'envoi impromptu de renforts afghans dans le Sud a précipité un déploiement supplémentaire de soldats français, au moins pour la durée de l'opération en cours dans l'Arghandab.
Les Canadiens, dont les forces ont déjà perdu plus de 80 hommes, les pertes les plus importantes essuyées par les troupes canadiennes depuis la guerre de Corée dans les années 1950, fournissent le gros des troupes de l'Otan engagées dans cette opération de «nettoyage».
Les talibans semblaient hier s'être évanouis dans la nature, conformément aux principes élémentaires de la guérilla, refusant le combat face à des forces supérieures. Le ratissage des vergers et des champs irrigués de l'Arghandab continuent, sous la chaleur accablante. La coalition affirme déjà avoir repris le contrôle de cette vallée, qui s'étend juste au nord de la ville de Kandahar. «L'ensemble du district d'Arghandab a été nettoyé», a affirmé le gouverneur de Kandahar, Assadullah Khalid, dans une conférence de presse. «Des centaines de talibans ont été tués, blessés ou arrêtés» , a ajouré le général afghan Aminullah Patyalaï, qui commandait les troupes afghanes engagées dans l'opération.
«Nos forces ont rencontré une résistance modérée, a indiqué mercredi soir le colonel canadien Jamie Cade, le commandant en second des forces canadiennes engagées dans l'opération, mais nous avons atteint notre objectif sur la rive ouest de la rivière Arghandab, et démontré que la coalition a toute liberté de mouvement où et quand elle le souhaite» , a-t-il ajouté.
Les talibans n'ont pas les moyens de tenir durablement le terrain face aux troupes de l'Otan, qui disposent de blindés et d'un important soutien aérien, avec des hélicoptères et des avions d'attaque au sol. Mais leurs tactiques de guérilla, consistant à «pourrir» des provinces entières, disputant par un mélange de terreur et de propagande le contrôle des populations à un gouvernement afghan largement discrédité dans les provinces pachtounes du Sud, restent efficaces.
L'Otan ne dispose que de 70 000 hommes dans un pays immense, manquant de voies de communication. Les unités occidentales se déplacent comme des escadres navales dans les immensités désertiques ou montagneuses, mais peinent à garder le contrôle des zones d'où elles parviennent à chasser les talibans. Les autorités afghanes doivent à présent reprendre le contrôle de l'Arghandab, sous peine de voir les talibans revenir s'installer dans la région, et reprendre leurs attaques dans Kandahar.